Sur le marché en pleine expansion des cheveux texturés, Kalia Nature a trouvé sa place. Fondée en 2015 par Sandrine Sophie, la marque a misé sur deux piliers : une production 100 % intégrée et des ingrédients issus de la pharmacopée caribéenne. Aujourd’hui, la marque compte plus de 350 points de vente et vient d’accueillir le fonds Melanine Groupe à son capital. La fondatrice nous a accordé un entretien pour décrypter les clés de cette réussite.
Genèse
Kalia Nature est née d’un double constat de Sandrine Sophie : l’absence d’offre saine et adaptée pour les cheveux texturés en France et la volonté d’utiliser des produits sans risque pour la santé de sa fille, grande prématurée. Cette situation l’a conduite à créer ses propres produits, en s’appuyant sur l’héritage de sa grand-mère martiniquaise et ses formulations issues de la pharmacopée caribéenne.
D’abord destinés à sa famille et ses proches, ces produits ont suscité un tel intérêt qu’elle a lancé Kalia Nature en 2015. Son ambition était alors de proposer des produits efficaces et naturels à un public jusque-là oublié par les grands acteurs de la cosmétique.
Maîtrise de la chaîne de valeur
Kalia Nature a développé son propre laboratoire intégré. Après un démarrage artisanal dans un espace de 8 m² installé dans un sous-sol, l’entreprise occupe depuis 2022 des locaux de 700 m² au Mesnil-Amelot, 150 m² y sont dédiés à la R&D et à la production et 300 m² à la logistique. Après plusieurs tentatives de sous-traitance infructueuses, Sandrine Sophie a choisi une fabrication 100 % interne. Les laboratoires externes, peu habitués à travailler avec des ingrédients issus de la pharmacopée caribéenne, n’arrivaient pas à industrialiser ses formulations tout en respectant le cahier des charges. Les problèmes de contamination sur des ingrédients sensibles comme la spiruline et les textures non-conformes ont finalement imposé ce choix.
Pour assurer la conformité du produit industrialisé au produit artisanal, l’entreprise a investi dans des machines de production sur mesure, conçues avec un partenaire de Milan.
Aujourd’hui, la chaîne de production est totalement internalisée avec les 18 salariés, dont 7 personnes dédiées à la production, à la R&D, à la qualité et à la logistique.
Cette montée en puissance a reposé sur une gestion financière rigoureuse, héritée de l’expérience de la fondatrice en tant qu’ancienne contrôleuse de gestion. Elle a misé sur une gestion en flux tendu pour maîtriser les stocks et la trésorerie, ce qui a permis à l’entreprise d’être rentable dès la première année. La création de l’entreprise s’est faite sur fonds propres. En 2022, l’entreprise a levé 200 000 euros en love money et obtenu l’accompagnement des banques et de la Région Île-de-France pour l’acquisition des locaux et des machines.
Différenciation produit et expertise technique
Kalia Nature se distingue par son approche qui repose sur la porosité du cheveu, en mettant en avant l’importance du scellage de l’hydratation via des agents humectants spécifiques. Selon la fondatrice, une notion essentielle et souvent mal comprise ou négligée par les géants de l’industrie. La marque s’approvisionne en matières premières brutes issues de la pharmacopée caribéenne, sans transformation industrielle, notamment l’hibiscus, la spiruline, la sapote et la Bay St Thomas. Cette richesse végétale caribéenne offre un potentiel d’innovation considérable encore largement inexploité.
Récemment, pour développer des solutions encore plus ciblées, Sandrine Sophie a obtenu une certification en trichologie, lui permettant d’intégrer les problématiques de cuir chevelu comme le psoriasis dans ses formulations.
Former et sensibiliser sur les spécificités du cheveu texturé
Selon la fondatrice, les professionnels de la coiffure manquent encore de connaissances pour traiter le cheveu texturé. Face à cette lacune, elle forme ses distributeurs sur les spécificités du cheveu texturé et collabore avec Dioka Academy pour former les coiffeurs. La marque milite aussi pour l’intégration du cheveu texturé dans les programmes officiels de CAP Coiffure.
Elle pointe par ailleurs les limites de l’échelle de Walker, système de classification des boucles très utilisé pour les cheveux texturés, qu’elle juge inadapté : « Une même personne peut avoir une multi-texture sur sa tête. Sans une bonne compréhension de la porosité et de l’hydratation, on passe à côté des vrais besoins».
Cet engagement éducatif revêt également une dimension personnelle. Sandrine Sophie a perdu ses cheveux suite à un cancer du sein et souhaite aujourd’hui accompagner ceux qui traversent cette épreuve, consciente de l’importance d’une expertise adaptée.
Au-delà de la formation, son constat pointe un déséquilibre du marché. Les salons spécialisés dans les cheveux texturés croulent sous la demande, tandis que les salons classiques sont en difficulté, alors qu’ils pourraient trouver là un réel potentiel de développement.
Pour elle, cet enjeu dépasse l’aspect économique : il s’agit d’un combat pour la représentativité et l’inclusion d’une clientèle longtemps négligée.
Partenariats stratégiques et développement
L’entrée du fonds d’investissement Melanine Groupe comme actionnaire minoritaire accélère le développement de Kalia Nature. Cette prise de participation permet à l’entreprise de rejoindre le groupement de marques indépendantes de la coiffure créé par le fonds. En s’alliant à des enseignes comme Patrice Mulato, l’entreprise accède au réseau commercial, à la force marketing et à l’expertise logistique du groupe.
Sur le plan commercial, la marque a intégré le réseau La Boutique du Coiffeur et ses 138 magasins après des tests concluants menés en 2024. Elle poursuit également son expansion internationale en Belgique, Luxembourg, Suisse et Italie, tout en maintenant une dynamique d’innovation soutenue avec plusieurs lancements de produits prévus pour 2026.
